Au petit matin
Au petit matin du 5 avril, on s’est réveillés enfouis sous de grosses couvertures de laine. Nos pensées ont alors convergé: quel allait être l’état de la nature extérieure après une nuit sans électricité, après le verglas qui était tombé la veille ?
Nous sommes rapidement sortis dehors où nous avons pu constater un état de dévastation. La photo qui suit, c’est le début d’une histoire. Une histoire à laquelle on ne s’attendait pas au début du printemps. La nature voulait se faire entendre et nous n’avons pas eu le choix de l’écouter.
Ici, on sent bien qu’il s’est passé quelque chose le matin même ou la veille et qu’on est confronté aux conséquences. Dans l’obscurité présente sur la photo, on voit aussi toute la blancheur de la neige qui vient faire un contraste avec l’état de désolation rencontré.
Il y a un côté sombre et lumineux à la fois, l’obscurité rencontrant la pureté.
Les boîtes aux lettres
Il n’y a vraisemblablement pas eu de poste cette journée-là. Les services étaient sur pause, tout le monde a été contraint de s’arrêter. Le vif du sujet est là: des arbres sont tombés, de la glace les recouvre et les bourgeons sont emprisonnés. Notre regard est pourtant attiré par le rouge vif des boîtes aux lettres. Non, nous ne pouvons pas simplement aller chercher le courrier cette journée-là. De toute façon, il n’y en nul besoin: les nouvelles du jour nous sont tombées du ciel.
À recycler ?
Une branche s’est fracassée sur le terrain. Elle a fait un 90 degrés pour se retrouver là où elle n’aurait pas dû être, dans une direction qui n’était pas la sienne. La branche est venue s’écraser sur le bac de recyclage, ironiquement puisqu’elle va finir aux poubelles. On entrevoit les gros dégâts vécus et le travail qui allait s'ensuivre pour tout réparer.
Fleur de glace
Le bourgeon, impuissant, reste de glace dans sa prison, sur le sol givré. La vie illustrée par le bourgeon est opposée à la mort: il n’est plus attaché à l’arbre qui l’alimentait et ne pourra plus l’aider à sa croissance.
La rondeur de la glace fait penser à notre planète, laquelle souffre au même titre que ce bourgeon. Comment faire pour briser les barrières extérieures sans pour autant dénaturer ce qui se trouve au centre ?
Un conifère sans épine
Normalement, on observe les conifères de loin, regardant son imposante stature, son élan naturel vers le ciel. Ici, notre regard est attiré vers le détail. Les aiguilles n’en sont plus vraiment, rassemblées par dizaines dans un glaçon descendant vers le sol. Toute la verticalité de l’arbre perd sa force en étant ramenée vers le bas par le mouvement de l’eau glacée, par cette coulée initiée par la gravité. Les aiguilles semblent douces, à l’opposé de ce qu’elles sont habituellement. On a l’impression de voir la pluie s’abattre en direct sur la nature et la dénaturer, nous faisant plonger dans une douceur et une intimité qui nous surprennent.
Branchettes
Des branches qui étaient si fines sont ici devenues plus épaisses et plus lourdes. Les branches partent dans tous les sens et c’est la glace qui nous le révèle par son éclat. La situation nous semble lumineuse malgré la nature qui est ébranlée.
Nature morte
Une fleur de l’année dernière, emprisonnée dans la glace, reflète à la fois la vie et la mort. Cette fleur, ayant représenté la vie dans son entièreté, a laissé place à la mort l’automne dernier. Pourtant, c’est comme si la fleur fanée, qui passait alors inaperçue, redevient impressionnante une fois glacée.
L’arbre blanc
L’arbre blanchi par la glace enneigée vient faire contraste avec le bâtiment derrière. La structure humaine, entière, mais pouvant être n’importe où à Montréal, semble faire contraste avec la vie. C’est une photo qui semble irréelle, mais pourtant bien ancrée dans la réalité du verglas d’avril. Il n’y a ici aucune vue d’ensemble: seulement un arbre, figé dans le temps comme dans la glace, en attente d’un changement pour recommencer à s’épandre. L’arbre montre toute sa présence, son authenticité, son identité, contrairement au mur extérieur du bâtiment qui reste impassible.
De près, la blancheur de l’arbre laisse place au transparent de la glace et on peut dessiner l’aspect allongé des branches sombres dans leur prison de glace lumineuse.
Les cellules glacées
Dans leur unicité, ces gros plans révèlent toute la texture de la glace autour de la branche, les fruits et les bourgeons qui sont eux aussi emprisonnés. Même si tout est figé, on retrouve un côté lumineux, comme s’il était clair que la vie allait reprendre le dessus.
L’impasse
On se retrouve devant une impasse: on ne peut pas continuer à aller de l’avant comme si de rien n’était. Un simple grillage, pourtant normalement très fin et léger, devient énorme et impossible à bouger.
Le volant figé
Un volant est, par définition, un objet qui n’est pas fixe permettant de donner une direction. Il faudrait pouvoir ouvrir le cadenas pour pouvoir faire tourner le volant, celui-ci complètement pris dans la glace. Si on devait poser nos mains sur cet objet, ce serait plutôt peut-être pour nous sauver de ce verglas. Si on voulait ouvrir le cadenas, on devrait passer par l’étape imprévue de briser la glace le recouvrant. Rien, lors de cette journée, ne s’est passé comme prévu.
Une carte des pannes
La carte suivante illustre les pannes causées par le verglas à Montréal et les environs.
- Près de 10 000 pannes,
- 1 125 200 clients d'Hydro-Québec ont été en panne simultanément,
- Panne la plus importante depuis la crise du verglas de 1998,
- Le 6 avril, l’électricité était rétablie dans 44 % des foyers,
- Le 7 avril, l’électricité était rétablie dans 77 % des foyers,
- Le 11 avril, l’électricité était rétablie dans 99 % des foyers,
- Plus de 300 poteaux remplacés,
- 440 transformateurs remplacés,
- 50 km de fils électriques installés.
Globe terrestre ?
Ce paysage extraordinaire, aux allures lunaires, vient montrer comment une scène si simple devient un lieu directement sorti des astres. En quelques heures, le paysage d’un ancien site d’enfouissement devient le lieu d’atterrissage de navettes spatiales directement venues de l’espace. La capsule blanche sur fond blanc laisse émaner un décor minimaliste et unique, comme s’il n’appartenait pas à notre planète.
Les chaises longues
On retrouve le décor lunaire avec des objets pourtant bien communs, associés au soleil et à la détente. Les chaises ne peuvent plus exercer leur fonction première puisque la glace les recouvre. Cette scène est mystérieuse et singulière, nous appelant à nouveau à nous questionner pour savoir si c’est réel. On ne comprend pas ce qui se passe et nous sommes dans l’incompréhension face aux objets.
La fin... ou le commencement ?
Un personnage apparaît au milieu du décor blanc, un personnage qui n’était pas là. On le voit de dos alors qu’il est tourné vers la civilisation que l’on voit au fond.
Que pouvons-nous faire pour aller de l’avant, laissant derrière ce qui appartient au passé et se tournant vers l’avenir pour découvrir ce qu’on peut faire différemment ?